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Jugement du Tribunal Judiciaire du 1er avril 2020: irrecevabilité de l'action de l'acquéreur d'un immeuble à construire introduite plus d'un an après la date de réception des travaux par le maître d'ouvrage-vendeur

16/04/2020 |

Notre cabinet a obtenu, au profit de son client entrepreneur et de son assureur, un jugement du 1er avril 2020 déclarant l'acquéreur d'un immeuble à construire irrecevable en son action fondée à titre principal sur la garantie de parfaite achèvement et à titre subsidiaire sur la responsabilité contractuelle en ce qu'elle a été introduite plus d'une année après la réception des travaux par le promoteur vendeur et maître d'ouvrage.

 

Le Tribunal Judiciaire décide:

 

"Dans une opération de vente d'immeuble à construire, l'acquéreur ne participe pas à la réception des travaux, acte par lequel, par application des dispositions de l'article 1792-6 du Code Civil, le maître d'ouvrage déclare accepter les travaux avec ou sans réserves.


Cet acte n'intervient en effet que dans les seuls rapports entre le maître d'ouvrage vendeur et les locateurs d'ouvrage ayant réalisé ou participé à la réalisation de la construction.

 

Seul le vendeur a qualité pour prononcer la réception et ceci par application, en vente en état futur d'achèvement, des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 261-3 du Code de la construction et d'habitation qui précisent que “le vendeur
conserve les pouvoirs du maître de l'ouvrage jusqu'à la réception des travaux”.


Dans les rapports entre le maître d'ouvrage vendeur et l'acquéreur, la prise de possession du bien se fait par l'intermédiaire d'une livraison à l'occasion de laquelle l'acquéreur exprime ses éventuelles réserves lors de la prise de possession ou dans le mois de celle-ci s'agissant des vices apparents.

 

Il convient de rappeler que les dispositions de l'article 1792-6 du Code Civil relatives à la garantie de parfait achèvement, sont non applicables en matière de vente en l'état futur d'achèvement, seules pouvant être invoquées les dispositions de l’article 1642-1 du Code Civil.


Cet article dispose que “le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents”.


Aux termes de l’article 1648 du Code Civil “dans le cas prévu par l'article1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents”.


Ce délai annal pour agir en réparation des vices et non-conformités apparents est un délai de forclusion non susceptible de suspension.

 

En l’espèce, le caractère apparent des désordres allégués n’est pas contesté. La livraison de l’appartement est intervenue le 7 janvier 2016.

 

[L'acquéreur] a fait assigner [le maître d'ouvrage vendeur], promoteur ainsi que son assureur (...), et [le maître d’oeuvre], ainsi que son assureur (...) par actes séparés des 14 et 15 décembre 2016 devant le Juge des Référés.

 

Sur le fondement de l’article 1642-1 son action est recevable à l’encontre du [vendeur-maître d'ouvrage].

 


En revanche, les entrepreneurs en ce compris l’architecte sont tenus à la garantie de parfait achèvement de l’article 1792-6 du Code Civil.

 

Aux termes de cet article “la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

 

Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné”.

 

Les travaux d’aménagement intérieurs et les lames de bois posées sur la pente PMR du jardin d’hiver ont été réalisés par des entreprises qui ont participé aux travaux de construction de l’immeuble, facturés [au maître d'ouvrage-vendeur] et refacturé à [l'acquéreur].

 

[L'acquéreur] avait pour se faire signé un contrat avec [le maître d'oeuvre] aux fins de réalisation des aménagements intérieurs.

 

[Le maître d'oeuvre] a transmis à [l'acquéreur] les plans et les devis afférents à ces aménagements.

 

On ignore la date exacte à laquelle les portes à galandage et le parement de la pente PMR ont été posées mais il est certain que la plupart des malfaçons dont se prévaut [l'acquéreur] ont été dénoncées le 12 mai 2016.


Il n’y a en effet aucune réception expresse de ces travaux. Toutefois, [l'acquéreur] a versé la totalité du prix et a pris possession des éléments litigieux, de sorte que les contestations émises notamment dans son premier courriel en date du 12 mai 2016 doivent être considérées comme des réserves.


En outre, le 7 janvier 2016, [le maître d'oeuvre] a émis sa facture relative au solde du marché de maîtrise d’oeuvre portant sur ces aménagements.

 

Cette facture a été acquittée.

 

[L'acquéreur] n’apporte pas la preuve en réalité de ce qu’à cette date qui est aussi la date de livraison de l’appartement, les aménagements intérieurs n’étaient pas achevés.

 

Ainsi, il ne saurait être fait droit à sa demande tendant à voir fixer la date de réception au 11 février 2016, cette date étant en réalité celle de l’attestation de levée de réserves établie par [le maître d'oeuvre].


[L'entrepreneur et son assureur] ont été appelées à la cause pour la première fois le 1er février 2017 par [le maître d'oeuvre] aux fins de déclaration d’ordonnance commune.


L’action de [l'acquéreur] à l’encontre de la [l'entrepreneur et son assureur] et [du maître d'oeuvre et de son assureur] s’agissant des travaux objet du contrat de maîtrise d’oeuvre sera déclarée donc irrecevable comme étant forclose.

 

Il sera rappelé que les dommages qui relèvent d’une garantie légale ne peuvent donner lieu à une action sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour échapper à la forclusion."

 

...

 

Cette décsion est d'autant plus notable que la situation de l'acquéreur de l'immeuble vendu en l'état de parfait achèvement, ne participe pas à la réception, et donc est dans l'impossibilité de souligner des défauts qui seraient apparents.

 

En l'espèce, la date de livraison à l'acquéreur correspond également à la date de réception.

 

Toutefois, il faut imaginer que la livraison peut intervenir plusieurs semaines ou mois après la réception des travaux, "grignotant" d'autant le délai de prescription d'un an pour agir contre les entreprises ayant participé à la construction et leurs assureurs.

 

En cas d'expiration de ce délai, l'acquéreur ne dispose plus que d'une action contre son vendeur et son assureur, à la condition de ne pas être forclos dans cette action non-plus.

 

Précisons toutefois, que dans le présent litige, il s'agit de désordres dont la nature apparente n'a pas été contestée.

 

Les désordres non-apparents à la réception bénéficient d'un autre régime et notamment de la garantie décennale.

 

Cependant, par expérience, la nature apparente ou non-apparente des désordres fait l'objet de débats nourris devant les juridictions, tant des désordres apparents pour les uns ne le seront pas pour les autres.

 

On voit bien que l'acquisition d'un immeuble est toujours à fort enjeu et à risques, elle apparaît encore plus risquée dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement.

 

Nous vous recommandons donc de vous faire accompagner dans le cadre de telles opérations et éventuellement de leurs conséquences conflictuelles, qu'elles soient amiables ou judiciaires.

 

Les avocats de notre cabinet qui traitent du droit de la construction sont à votre disposition.